Nous
utilisons tous les
jours de la monnaie, sans trop savoir d'où elle vient. Pour
sûr elle ne
pousse
pas dans la nature, ça tout le monde le sait. Il s'agit
d'une création
humaine,
on s'en doute. Mais d'où vient-elle ?
Certains
historiens de la monnaie font remonter
son invention à la révolution
néolithique (il y a 12.000 ans), d'autres
au
« miracle grec » (VIIième
siècle avant JC). Ce n'est pas
la même chose.. En
fait comment tracer
l'histoire de la monnaie si l'on ne s'entend pas sur sa
définition.
Qu'est-ce
que la monnaie ? De quoi essaye-t-on de retrouver l'histoire ?
Le
troc La
mesure
Le
plus vieux des documents arithmétiques date d'environ 35.000
ans avant
JC.
Il s'agit d'un péroné de babouin muni de 29
encoches. Un
autre document arithmétique, datant de 30.000 ans avant JC,
est un os
de loup muni de 55 encoches regroupées par 5,
retrouvé en
Tchécoslovaquie. On
peut donc voir déjà un début de
conceptualisation des nombres abstraits
par une
décomposition selon le principe de la base. Il s'agirait
d'un décompte
d'animaux
abattus lors d'une chasse.
[source
: C. et E. GILLON,
Histoire de chiffres, site internet : http://histoiredechiffres.free.fr/IE5/compter/entaille.htm ] Si
l'échange est différé
dans le temps (quand la contrepartie de l'échange est remise
plus
tard), il y a
deux autres problèmes à résoudre :
celui de la mémoire (comment
concerver la
mémoire certaine de la
« dette » ?), et celui de la
garantie de la
mémoire (le tiers témoin, sans lequel la dette
reste une histoire de
« parole contre parole ». [source
:
C. et E. GILLON, Histoire de chiffres, site internet
: http://histoiredechiffres.free.fr/IE5/compter/entaille.htm ]
« Il
y a cinq mille ans, apparaissent presque simultanément,
semble-t-il, le
marché,
l’écriture, l’école, la
métrologie et le fonctionnement judiciaire. On
peut
supposer que ce n’est pas une coïncidence, mais un
enchaînement
logique. Tout
part, semble-t-il, du développement des échanges.
Au delà d’un certain
volume
d’échange, la parole donnée ne suffit
plus à garantir la confiance, il
faut
consigner par écrit : on invente
l’écriture. Alors, il faut apprendre à
lire,
écrire et compter : on invente l’école.
Il faut aussi avoir confiance
dans la
quantité, mesurer ce que l’on échange :
on invente les étalons et la
métrologie.
Enfin, il faut aussi avoir un arbitre en cas de litige : on invente les
tribunaux. » « Ainsi,
les principaux éléments de la civilisation que
nous connaissons
auraient été
logiquement mis en place pour assurer la fiabilité de
l’univers
transactionnel naissant.
Tout cela serait né en Mésopotamie, dans un pays
qui aujourd’hui
s’appelle
l’Irak. »
Indice
monétaire En
Egypte, dès 2700 av JC , on utilisait un indice
monétaire : le shat. Pas
encore une monnaie, mais une unité
abstraite qui trouvait sa "réalisation" avec une
foule de
marchandises, lesquelles, plus ou moins pratiques à
transporter
pouvaient
servir à compléter un paiement ou à
parfaire l'entente quant à
l'évaluation des
prix des marchandises échangée. Le
shat avait un multiple : le deben, lequel valait 12 shats. Ainsi
dans un acte de vente, une maison située à
proximité de la pyramide de
Kheops avait été estimée à
dix shats
d'or, et vendue en échange de six shats
de tissus et d'un lit d'une valeur de quatre shats. Cette
valeur étalon permettait la pratique du dépôt
de garantie
: pour
échanger une chèvre contre du blé non
encore récolté, il y avait un
premier
troc A donnait la chèvre à B contre 1/2 shat
de tissus, puis B livrait 1/2 shat
de
blé et récupérait ses 1/2 shats de
tissus. Avec
le temps certaines unités ont eu plus de succès
que d'autres, ce fut le
cas du deben. On sait aussi que la
référence à des poids d'argent, d'or
ou de cuivre est devenue de plus
en plus
fréquente. Ainsi le deben correspondait
à environ 13,5g d'or dans l'ancien régime, puis
environ 90g. Un
esclave a été négocié "2 debens
d'argent et 60 de cuivre". Dans ce cas le deben
est une unité de poids. Le recours aux trois
métaux (or,
argent, cuivre) permettait donc d'avoir 3 monnaies,
équivalent de nos
multiples
et sous multiples. Dans
la pratique avec ce système très souple, le
commerce ne souffrait
jamais
du manque de métal. S'il venait à manquer on
utilisait n'importe quel
autre
référentiel (céréales,
tissus, huile, poisson, dattes, légumes, etc...). L'Egypte
ancienne a donc utilisé une pure abstraction de la valeur
près de 1500
ans avant de battre sa première monnaie vers le
VIième siècle av JC.
La
lettre de change Au
musée du louvre, dans la section
« mésopotamie », on
trouve des
bourses d'argiles encore pleines de calculi et revêtues des
sceaux des
contractants. Les calculi (c'est de là que vient notre mot
calcul)
étaient de
petites figurines simplifiées représentant la
nature des produits
échangés
(figurines en forme de têtes de vaches), ou bien de simples
billes. «
L’ensemble : bulle, sceau-cylindre, calculi composait un
moyen
d’enregistrer
une transaction, un transfert de biens. » On
a
retrouvé, à Nuzi (mésopotamie), une
bourse d'argile creuse qui est déjà
une
évolution de cette première forme. En surface on
trouve l'inscription
« objet contenant des moutons et des
chèvres », puis
l'énumération : L'humanité
a donc inventé la lettre de change avant la monnaie, mais
quelle est la
différence entre les deux ?
Avoirs
et
dettes "en comptes" ... 2000 ans av JC ! La
monnaie
virtuelle ou scripturaire a réellement
précédé l'usage de supports
uniques
(coquillages, pièces frappées, etc...) de mille
ans au moins. Dès
cette
époque, les tablettes distinguent tous les
éléments caractéristiques
d'un
compte : la nature des objets de la transaction, le nom des
contractants, les
quantités livrées, les montants totaux. De
nombreuses tablettes vont
même plus
loin, en indiquant la situation de la période
précédente (solde), les
augmentations séparées des diminutions et le
solde de fin de période.
Ces
comptes sont du type "à postes superposés",
c'est-à-dire comportant
les augmentations en haut et les diminutions en bas ou vice-versa."
La
monnaie La
monnaie n'est rien d'autre qu'une « lettre de change
étalon », c'est
à dire, une représentation conventionnelle d'une
quantité de valeur.
Ainsi la
monnaie a pu dès les origines avoir pour supports des
coquillages, des
broches,
des haches, du sel, des jetons métalliques
frappés, ... mais aussi de
simples
écritures, celles par lesquelles on reconnaissait une dette. Dès
le début donc, la monnaie n'est qu'un moyen particulier de
régler une
dette.
Cette propriété qui semble une lapalissade est
à rapprocher des modes
successifs d'émission de la monnaie, de création
monétaire. Longtemps
la
monnaie a eu des équivalents qui garantissait sa valeur
nominale de
manière
directe (équivalent monnaie / or), ou indirecte (monnaie /
dollar /
or).
Aujourd'hui, dans une sorte de retour aux sources, la seule
contrepartie de la
monnaie est la somme des dettes courantes
publiques et privées. Parenthèse
étymologique : En
fait, la différence entre la monnaie et les bourses d'argile
mésopotamiennes
tient en quatre points : 1-
Les protagonistes de l'échange n'y sont plus
désignés ; Ce
quatrième point est important car contrairement à
la bourse d'argile
revêtue
des sceaux qui servait de preuve devant un tribunal,
« l'argent n'a pas
d'odeur ». Son utilisation repose
entièrement sur la confiance
que l'on a
en ce qu'il représente.
La
monnaie, les bourses d'argile, et le troc 1
-
L'invention puis l'usage de la monnaie, et ce dès les
origines,
reposent donc
sur deux piliers : dette et confiance. Parenthèse
étymologique : 2
-
L'invention et l'usage de la bourse d'argile des
mésopotamiens reposait
(seulement) sur la notion de preuve de la dette. La confiance
n'était
pas
encore totalement au rendez-vous. 3
-
Le recours au troc ne suppose que l'acceptation instantanée
d'une
valeur
commune. On
notera que lorsque l'on
« marchande », on ne fait que
discuter de
« la valeur commune » aux termes
de l'échange (la
monnaie que j'ai en
main, contre la marchandise que je convoite), comme dans le troc...
Quand
on parle de monnaie et d'abstraction, il faut raison et rigueur garder.
La
réalité historique résiste parfois aux
théories les plus Quant
à la circularité du « temps
agraire » qui renverrait
à l'immédiateté
tandis que la linéarité des échanges
monétaires conduirait à
l'abstraction,
c'est faire abstraction du fait que l'abstraction du nombre et de la
valeur ont
également devancé de 20.000 ans (au moins)
l'invention de
l'agriculture, de
l'écriture et de la monnaie. Mais c'est aussi faire fi de la
notion du
temps
telle qu'on la connait d'une part chez les mésopotamiens
(ils
connaissaient le
cycle de la précession des équinoxes qui est de
25770 ans !), d'autre
part chez
les « négociants » en
produits agro-alimentaires
d'aujourd'hui,
lesquels, malgré la bourse, doivent encore attendre les
récoltes ...
cycliques. La
découverte du cycle de la précession des
équinoxes est classiquement
attribuée
à Hipparque de Nicée vers 130 avant JC. Mais
tout porte à croire que ce cycle était connu
plusieurs millénaires
avant lui.
En effet les passages mythologiques de l'Ere du Taureau, à
celle du
Bélier, à
celle du Poisson, puis à celle du Verseau étaient
annoncés avec une
périodicité
de 2000 ans environ. Elle est de 2148 ans. Dans
l'Evangile de Luc (22,7 à 22,14) on lit : « Ils
lui dirent: Où veux-tu que nous la préparions? « Il
leur répondit: Voici, quand vous
serez entrés dans la ville, vous
« rencontrerez un
homme portant une
cruche d'eau; suivez-le dans la « maison
où il entrera, « et
vous direz au maître de la
maison: Le maître te dit: Où est le lieu
où « je mangerai « Et
il vous montrera une grande chambre
haute, meublée: c'est là que
« vous préparerez « Ils
partirent, et trouvèrent les
choses comme il le leur avait dit; et ils
« préparèrent « L'heure
étant venue, il se mit à
table, et les apôtres avec lui. » Que
ce soit pour les chasseurs-ceuilleurs du paléolithique, les
agriculteurs du
néolithique, ou les boursicoteurs de wall street, le temps
est cyclique
parce
que la terre tourne autour du soleil et qu'ils dépendent
également des
cycles
saisonniers, climatiques, stellaires. La conscience diffuse,
l'intuition,
qu'ils peuvent en avoir est révélée
pour les anciens temps par la
prédominance
absolue des cultes solaires, et pour l'époque moderne par la
persistance des
calendriers religieux, et de l'astrologie. De
même la propriété de la
monnaie à produire elle même de la monnaie n'est
pas une propriété qui
la
distingue des rapports antérieurs de l'homme à sa
capacité à produire
de la
valeur. Le cheptel avait déjà la
propriété de se reproduire, et c'est
l'optimisation de cette faculté qui a constitué
le saut qualitatif et quantitatif du
néolitique. Le sumérogramme MÁŠ
désigne le "croît" ; c'est aussi bien
l'intérêt d'une somme d'argent
que les jeunes bêtes d'un troupeau (cf A. FINET, op.cit.
p134). Le mot
« cheptel » vient du latin capes,
capitis = tête
(de bétail). Le latin
capitis a aussi donné
« capital ». Le
latin pecus = bétail a
donné les
mots « pécunier » et « pécule ». Bibliographie MA
COTTERET, Métrologie
et
enseignement, thèse de doctorat N°
0312495T, UFR Paris 8,
mars 2003. Jean-Guy
DEGOS
: JC DUPERRET, Mathématiques et valeurs, ESEN, 31 janvier 2008. André FINET,
Le Code de Hammourabi, Ed. du Cerf, 5e Ed., Paris 2004. C.
et E.
GILLON, Histoire des chiffres, site internet : http://histoiredechiffres.free.fr/IE5/compter/entaille.htm Bernadette
MENU, Egypte pharaonique, nouvelle recherche sur
l’histoire juridique, économique et sociale de
l’Ancienne Egypte,
Harmattan Alain
TESTART
, Jean-Jacques GLASSNER , François THIERRY , Bernadette MENU :
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